Le gros PROUT de Thog-Thog
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Le gros PROUT de Thog-Thog
L’Auberge de la Main heureuse comptait parmi ces bâtisses de la Reconstruction qui tentaient, par leur nom, de rendre hommage à l’auspicienne de la Main Grise sans pour autant prendre le risque de déplaire aux prophéties en nommant celle dont le nom devait se perdre dans l’oubli. Au reste, le voyageur de passage qui méconnaissait l’histoire de la cité avait bien plus souvent l’impression que l’aubergiste avait ainsi nommé sa gargote à l’image de la qualité parfaitement aléatoire de ses potages. Quoi que vous ayez commandé, la soupe coulée et recoulée dans les mêmes bols qu’on ne jugeait pas utile de laver entre deux utilisations, finissait toujours en minestrone des repas qui y avaient été pris depuis un mois, durée après laquelle les pores de la vaisselle en terre cuite semblait rejeter, sinon vomir, les vieilles saveurs et les plus curieux relents. Parfois, à la suite d’une hasardeuse combinaison, vous aviez la bonne surprise de tremper vos lèvres dans une soupe divine et en étiez les premiers étonnés. Dans les esprits fatigués des voyageurs, l’image de l’halfeline s’effaçait tout doucement, dans la lente agonie d’un feu de cheminée, comme le voulaient les psalmodies de Châteausuif. Restait au cœur des aventuriers, sans le savoir, le désir de goûter sa bonne fortune dans un breuvage consolateur.
L’estaminet se tenait à l’entrée de la ville basse, la partie au sol d’Eaux Profondes qui commençait, sans décret, à s’appeler Marchevent aussi bien dans la bouche des notables que des gueux, qui en définitive sont toujours ceux qui, dans une ironie délectable, finissent par imposer leurs usages aux princes dont ils nomment les palais. La ville suspendue au-dessus des eaux attirait les simples curieux comme les audacieux qui voulaient profiter de la reconstruction pour faire fleurir leur commerce. La population avait particulièrement rajeuni, attirant les cadets audacieux et autres esprits forts sans héritage. Historiquement bigarrée, elle l’était restée, comptant toutefois une plus grande proportion de nains, dextres et parfaitement adaptés à la vie souterraine, dans les galeries de la cité volante. La ville en était à ce moment charnière de son existence où l’aventure le dispute au confort bourgeois. L’immigrant posé à une table de l’Auberge de la Main heureuse après plusieurs jours de marche à travers des contrées récemment pacifiées et toujours riches en escarmouches, en venait immanquablement à se poser une question. Après s’être risqué sur des chemins dangereux, après avoir goûté au fruit de l’incertitude qui offre à des pieds alertes de fouler toutes les voies du monde, fussent-elles imprudentes : se ranger dans la chaleur melliflue d’une impasse, ou courir à corps perdu sur des sentiers périlleux qui lui font mieux sentir sa vie, mais peuvent à tout moment l’en priver ?
Deux jeunes nains et un humain partis de Hlondeth en étaient arrivés à ce point précis dans leurs tergiversations silencieuses, qu’ils noyaient dans une soupe tiède, mais correcte. Leurs aventures pour arriver à Marchevent les avaient rapprochés. Ensemble, ils avaient dormi à la belle étoile, affronté des bandits, pris des lapins au collet, laissé s’échapper lesdits lapins par maladresse, en desserrant leur étreinte. Cent fois ils s’étaient maudits les uns les autres dans des éclats d’une rage folle, avant de se réchauffer les os sur un même feu. Au matin, les braises mourantes avaient consumé leur colère. Les nains comptaient se faire engager comme apprentis forgerons dans les ateliers de Bral Scillant dont on disait que les machines pouvaient rivaliser avec les dragons. Finie l’ère de la magie avec sa partialité et ses hasards, place à la technologie rationnelle et impartiale, et gloire au grand maître Scillant, son apôtre. La figure du grand forgeron mécanique excitait l’imagination de hordes de nains velus qui auraient donné cher pour explorer ses rouages de leurs mains nues, dans une admiration toujours plus ou moins coupable. Beaucoup avaient pris le parti d’abandonner leur énergie peccamineuse dans l’édification du Grand Temple de Gond. Leurs dévotions parfois le nommaient « grand mécanicien » là où leurs parents l’eurent appelé « grand forgeron ». Sous l’égide de Bral Scillant, ils avaient l’impression, à défaut d’avoir déjà changé le monde, de changer les dieux. L’humain, un jeune fils d’hobereau efféminé mais néanmoins vaillant espérait pouvoir entrer à l’académie des bardes qui avait survécu à la guerre sans accuser beaucoup de dégâts. Ses beaux vêtements aux motifs orientaux avaient à coup sûr dû voyager bien plus que lui. Leurs motifs jouaient à cache-cache dans les plis, ombrés par les lueurs s’échappant de l’âtre de l’auberge. Un esprit raffiné y aurait sans doute reconnu les arabesques typiques de l’art genasi. Sans doute d’habiles artisans avaient-ils travaillé à leur réalisation, s’usant les yeux et les doigts sur leur métier à tisser, pour offrir un bel avenir à leurs enfants. On ne sait jamais à qui profite un sacrifice, mais si les cordonniers restent les plus mal chaussés, on ne s’étonnera pas, non sans quelque tristesse, que les tisserands cachent leurs plaies sous des bandes de tissus. Les broderies aériennes devenaient évanescentes en se perdant dans le noir d’une soirée d’eleint, tempéré seulement par l’âtre et quelques bougies se consumant sur les tables.
Dans la grande cheminée, on avait mis à rôtir un pourceau. Le jeune barde, ricanant, dit à ses compagnons qu’il n’y avait guère que les porcs pour continuer à se manger entre eux une fois la guerre terminée. Avisant un groupe de cinq demi-orcs attablés à côté de la broche l’un des nains lui sourit, d’un air entendu. « N’importe comment, cinq demi-orcs n’ont jamais fait un homme », chuchota le second, intimidé malgré tout par la carrure des objets de sa moquerie. Une jeune femme parmi eux attirait plus particulièrement son regard, quoiqu’il ne l’eût jamais avoué. La virile détermination de son visage hautain, hérité de sa mère, porté par un corps d’une constitution curieusement frêle, mêlait à l’envie force et délicatesse, dans une androgynie qui n’était pas sans troubler le nain. Craignant que ses camarades ne soupçonnent quelque chose, il renchérit, singeant sous cape l’air un peu niais du plus vieux des orcs à la lippe pendante et au regard plein de caresses pour cette troupe de bâtards aux bras trop larges et aux cous bovins. Le bougre était chauve et portait une barbiche sur laquelle commençaient à se dessiner des fils d’argent. De minces sillons s’étaient creusés aux coins de ses yeux et de plus larges autour de sa bouche, trahissant une nature portée à rire, alors que son regard s’imprégnait d’une réelle sagesse aussitôt qu’il se détournait des jeunes orcs et se perdait dans la contemplation des braises, qui crachaient des flammes dans un crépitement lui remémorant sans doute autant d’instants glorieux que de peines inconsolables. Taillé, tailladé sur les champs de bataille, il s’était façonné sur le fil tranchant de ses adversaires peut-être plus qu’en surpassant lui-même ses ennemis. Vieillissant, sinon dévot, il était devenu spirituel et, en des termes simples, voyait le combat comme le seul moyen de mesurer sa finitude d’homme et de rendre hommage à tous ceux qu’il avait terrassés. Soudain, il posa sa main gauche sur le crâne du plus laid de ses fils. Il avait les traits de son père, surtout son nez qui était très fort. Les compagnons de Hlondeth remarquèrent alors qu’il manquait deux doigts à sa main. « Il a dû les perdre à force de… » et le barde d’accompagner ses mots d’un geste obscène. Les nains éclatèrent de rire. Cela faisait un moment que les orcs lorgnaient discrètement du côté de leur tablée, grinçant des crocs. À leurs rires, les yeux de la jeune femme s’injectèrent de sang et le plus grand des fils, portant sur son tabard de prêtre la marque de Tempus se leva de son tabouret. Alors le regard du vieil orc devint sévère. Il frappa du plat de la main sur la table et le silence se fit dans l’auberge. Les clients s’étaient soudainement pris d’un terrible intérêt pour les morceaux de haricots qui baignaient dans leur soupe et l’aubergiste, interdit, hésitait à sortir de derrière son comptoir ou à s’y abriter. Comme si de rien n’était l’orc reprit son repas, imité de ses enfants quelques secondes plus tard. Les conversations reprirent leur cours, table après table.
Voûtés au-dessus de leur soupe, les nains et le jeune homme s’étaient abîmés dans un silence cotonneux, sonnés encore par le fracas du coup de l’orc qui avait fendillé la table en bois plein. L’un d’eux lança à voix basse la pensée qui les habitait tous, chacun se demandant d’ailleurs si c’était lui ou son voisin qui avait rompu le silence : « on devrait peut-être voyager encore un peu, non ? »
Une fois le pourceau rendu à son créateur, Thog raccompagna ses enfants un à un jusqu’aux lieux où ils avaient élu domicile. Kesk, le prêtre de Tempus passerait la nuit à s’entraîner dans le temple de son dieu. Slakeld sans doute chercherait-il à éviter le sommeil comme jadis ses tantes, chères au cœur de son père, « Tine-tine » et Tulia, afin de s’épargner les cauchemars qui le harcelaient depuis toujours. C’est dans ses errances nocturnes qu’il avait goûté pour la première fois aux plaisirs d’une retraite druidique, dans la forêt de la demeure des Blancfaucon. Edaresk était brusque et parlait peu quoique son intelligence fut vive. Elle ne témoignait d’affection à personne mais Thog se plaisait à penser qu’elle était à l’image de Xiltyn : fière, sans doute trop, mais forte. Peut-être aimait-elle secrètement son père, mais il savait qu’elle ne le lui montrerait jamais. Ce n’était pas grave. Lui-même aimait trop ses enfants pour leur en vouloir de l’aimer moins, ou de ne l’aimer pas. C’est Tharag qu’il raccompagna en dernier au temple de Gond, où il était l’apprenti de Bral qui l’avait fait appeler pour travailler toute la nuit sur les plans d’une machine à laquelle Thog, ce guerrier d’un autre temps, ne comprenait rien, peut-être aussi parce qu’il ne cherchait pas à comprendre.
À l’abord du palais des Blancfaucon, Thog regarda son bras valide dans lequel il avait scarifié, dans un style orc, les premières lettres des noms de ses compagnons. Tara, Xiltyn, Bral et Tulia. Ils l’avaient fait souffrir dans sa chair, souvent par égoïsme, plus souvent encore sans s’en rendre compte. Sur leurs fils à eux aussi il s’était taillé, et c’est dans sa chair, pour ne pas l’oublier, qu’il avait gravé leur marque, leurs noms. Tournecrâne, Bashrock, Tornade, Trois Doigts, des Flèches, Blancfaucon. L’orc chantonnait en sourdine le chapelet de ses noms sur un air joyeux. Tournecrâne, Bashrock, Tornade, Trois Doigts, des Flèches, Blancfaucon… il ne savait pas sous quel vocable l’usage voudrait qu’on l’appelle, mais les générations suivantes auraient l’embarras du choix pour désigner le héros vieillissant de la cité. En poussant les portes du palais, il lança à la volée un fracassant « c’est Thog-Thog, je suis rentré ! ». Sovessil se précipita sur l’orc en lui disant que la « petite Tara » dormait. L’orc se ravisa lâchant, un peu gêné, des excuses. Xiltyn qui avait assisté à la scène laissa échapper un sourire. Thog gloussa en essayant d’étouffer le bruit de son rire qui lui montait du fond du cœur et sourit de toutes ses dents. En d’autres circonstances, leur vue aurait suffit à intimider de téméraires guerriers. Mais ici, comme le plus souvent, son blanc sourire prenait les dimensions d’un croissant de lune dans lequel on aurait pu bercer un nourrisson. Chantonnant ses noms, il monta border la « Petite Tara ».
L’estaminet se tenait à l’entrée de la ville basse, la partie au sol d’Eaux Profondes qui commençait, sans décret, à s’appeler Marchevent aussi bien dans la bouche des notables que des gueux, qui en définitive sont toujours ceux qui, dans une ironie délectable, finissent par imposer leurs usages aux princes dont ils nomment les palais. La ville suspendue au-dessus des eaux attirait les simples curieux comme les audacieux qui voulaient profiter de la reconstruction pour faire fleurir leur commerce. La population avait particulièrement rajeuni, attirant les cadets audacieux et autres esprits forts sans héritage. Historiquement bigarrée, elle l’était restée, comptant toutefois une plus grande proportion de nains, dextres et parfaitement adaptés à la vie souterraine, dans les galeries de la cité volante. La ville en était à ce moment charnière de son existence où l’aventure le dispute au confort bourgeois. L’immigrant posé à une table de l’Auberge de la Main heureuse après plusieurs jours de marche à travers des contrées récemment pacifiées et toujours riches en escarmouches, en venait immanquablement à se poser une question. Après s’être risqué sur des chemins dangereux, après avoir goûté au fruit de l’incertitude qui offre à des pieds alertes de fouler toutes les voies du monde, fussent-elles imprudentes : se ranger dans la chaleur melliflue d’une impasse, ou courir à corps perdu sur des sentiers périlleux qui lui font mieux sentir sa vie, mais peuvent à tout moment l’en priver ?
Deux jeunes nains et un humain partis de Hlondeth en étaient arrivés à ce point précis dans leurs tergiversations silencieuses, qu’ils noyaient dans une soupe tiède, mais correcte. Leurs aventures pour arriver à Marchevent les avaient rapprochés. Ensemble, ils avaient dormi à la belle étoile, affronté des bandits, pris des lapins au collet, laissé s’échapper lesdits lapins par maladresse, en desserrant leur étreinte. Cent fois ils s’étaient maudits les uns les autres dans des éclats d’une rage folle, avant de se réchauffer les os sur un même feu. Au matin, les braises mourantes avaient consumé leur colère. Les nains comptaient se faire engager comme apprentis forgerons dans les ateliers de Bral Scillant dont on disait que les machines pouvaient rivaliser avec les dragons. Finie l’ère de la magie avec sa partialité et ses hasards, place à la technologie rationnelle et impartiale, et gloire au grand maître Scillant, son apôtre. La figure du grand forgeron mécanique excitait l’imagination de hordes de nains velus qui auraient donné cher pour explorer ses rouages de leurs mains nues, dans une admiration toujours plus ou moins coupable. Beaucoup avaient pris le parti d’abandonner leur énergie peccamineuse dans l’édification du Grand Temple de Gond. Leurs dévotions parfois le nommaient « grand mécanicien » là où leurs parents l’eurent appelé « grand forgeron ». Sous l’égide de Bral Scillant, ils avaient l’impression, à défaut d’avoir déjà changé le monde, de changer les dieux. L’humain, un jeune fils d’hobereau efféminé mais néanmoins vaillant espérait pouvoir entrer à l’académie des bardes qui avait survécu à la guerre sans accuser beaucoup de dégâts. Ses beaux vêtements aux motifs orientaux avaient à coup sûr dû voyager bien plus que lui. Leurs motifs jouaient à cache-cache dans les plis, ombrés par les lueurs s’échappant de l’âtre de l’auberge. Un esprit raffiné y aurait sans doute reconnu les arabesques typiques de l’art genasi. Sans doute d’habiles artisans avaient-ils travaillé à leur réalisation, s’usant les yeux et les doigts sur leur métier à tisser, pour offrir un bel avenir à leurs enfants. On ne sait jamais à qui profite un sacrifice, mais si les cordonniers restent les plus mal chaussés, on ne s’étonnera pas, non sans quelque tristesse, que les tisserands cachent leurs plaies sous des bandes de tissus. Les broderies aériennes devenaient évanescentes en se perdant dans le noir d’une soirée d’eleint, tempéré seulement par l’âtre et quelques bougies se consumant sur les tables.
Dans la grande cheminée, on avait mis à rôtir un pourceau. Le jeune barde, ricanant, dit à ses compagnons qu’il n’y avait guère que les porcs pour continuer à se manger entre eux une fois la guerre terminée. Avisant un groupe de cinq demi-orcs attablés à côté de la broche l’un des nains lui sourit, d’un air entendu. « N’importe comment, cinq demi-orcs n’ont jamais fait un homme », chuchota le second, intimidé malgré tout par la carrure des objets de sa moquerie. Une jeune femme parmi eux attirait plus particulièrement son regard, quoiqu’il ne l’eût jamais avoué. La virile détermination de son visage hautain, hérité de sa mère, porté par un corps d’une constitution curieusement frêle, mêlait à l’envie force et délicatesse, dans une androgynie qui n’était pas sans troubler le nain. Craignant que ses camarades ne soupçonnent quelque chose, il renchérit, singeant sous cape l’air un peu niais du plus vieux des orcs à la lippe pendante et au regard plein de caresses pour cette troupe de bâtards aux bras trop larges et aux cous bovins. Le bougre était chauve et portait une barbiche sur laquelle commençaient à se dessiner des fils d’argent. De minces sillons s’étaient creusés aux coins de ses yeux et de plus larges autour de sa bouche, trahissant une nature portée à rire, alors que son regard s’imprégnait d’une réelle sagesse aussitôt qu’il se détournait des jeunes orcs et se perdait dans la contemplation des braises, qui crachaient des flammes dans un crépitement lui remémorant sans doute autant d’instants glorieux que de peines inconsolables. Taillé, tailladé sur les champs de bataille, il s’était façonné sur le fil tranchant de ses adversaires peut-être plus qu’en surpassant lui-même ses ennemis. Vieillissant, sinon dévot, il était devenu spirituel et, en des termes simples, voyait le combat comme le seul moyen de mesurer sa finitude d’homme et de rendre hommage à tous ceux qu’il avait terrassés. Soudain, il posa sa main gauche sur le crâne du plus laid de ses fils. Il avait les traits de son père, surtout son nez qui était très fort. Les compagnons de Hlondeth remarquèrent alors qu’il manquait deux doigts à sa main. « Il a dû les perdre à force de… » et le barde d’accompagner ses mots d’un geste obscène. Les nains éclatèrent de rire. Cela faisait un moment que les orcs lorgnaient discrètement du côté de leur tablée, grinçant des crocs. À leurs rires, les yeux de la jeune femme s’injectèrent de sang et le plus grand des fils, portant sur son tabard de prêtre la marque de Tempus se leva de son tabouret. Alors le regard du vieil orc devint sévère. Il frappa du plat de la main sur la table et le silence se fit dans l’auberge. Les clients s’étaient soudainement pris d’un terrible intérêt pour les morceaux de haricots qui baignaient dans leur soupe et l’aubergiste, interdit, hésitait à sortir de derrière son comptoir ou à s’y abriter. Comme si de rien n’était l’orc reprit son repas, imité de ses enfants quelques secondes plus tard. Les conversations reprirent leur cours, table après table.
Voûtés au-dessus de leur soupe, les nains et le jeune homme s’étaient abîmés dans un silence cotonneux, sonnés encore par le fracas du coup de l’orc qui avait fendillé la table en bois plein. L’un d’eux lança à voix basse la pensée qui les habitait tous, chacun se demandant d’ailleurs si c’était lui ou son voisin qui avait rompu le silence : « on devrait peut-être voyager encore un peu, non ? »
Une fois le pourceau rendu à son créateur, Thog raccompagna ses enfants un à un jusqu’aux lieux où ils avaient élu domicile. Kesk, le prêtre de Tempus passerait la nuit à s’entraîner dans le temple de son dieu. Slakeld sans doute chercherait-il à éviter le sommeil comme jadis ses tantes, chères au cœur de son père, « Tine-tine » et Tulia, afin de s’épargner les cauchemars qui le harcelaient depuis toujours. C’est dans ses errances nocturnes qu’il avait goûté pour la première fois aux plaisirs d’une retraite druidique, dans la forêt de la demeure des Blancfaucon. Edaresk était brusque et parlait peu quoique son intelligence fut vive. Elle ne témoignait d’affection à personne mais Thog se plaisait à penser qu’elle était à l’image de Xiltyn : fière, sans doute trop, mais forte. Peut-être aimait-elle secrètement son père, mais il savait qu’elle ne le lui montrerait jamais. Ce n’était pas grave. Lui-même aimait trop ses enfants pour leur en vouloir de l’aimer moins, ou de ne l’aimer pas. C’est Tharag qu’il raccompagna en dernier au temple de Gond, où il était l’apprenti de Bral qui l’avait fait appeler pour travailler toute la nuit sur les plans d’une machine à laquelle Thog, ce guerrier d’un autre temps, ne comprenait rien, peut-être aussi parce qu’il ne cherchait pas à comprendre.
À l’abord du palais des Blancfaucon, Thog regarda son bras valide dans lequel il avait scarifié, dans un style orc, les premières lettres des noms de ses compagnons. Tara, Xiltyn, Bral et Tulia. Ils l’avaient fait souffrir dans sa chair, souvent par égoïsme, plus souvent encore sans s’en rendre compte. Sur leurs fils à eux aussi il s’était taillé, et c’est dans sa chair, pour ne pas l’oublier, qu’il avait gravé leur marque, leurs noms. Tournecrâne, Bashrock, Tornade, Trois Doigts, des Flèches, Blancfaucon. L’orc chantonnait en sourdine le chapelet de ses noms sur un air joyeux. Tournecrâne, Bashrock, Tornade, Trois Doigts, des Flèches, Blancfaucon… il ne savait pas sous quel vocable l’usage voudrait qu’on l’appelle, mais les générations suivantes auraient l’embarras du choix pour désigner le héros vieillissant de la cité. En poussant les portes du palais, il lança à la volée un fracassant « c’est Thog-Thog, je suis rentré ! ». Sovessil se précipita sur l’orc en lui disant que la « petite Tara » dormait. L’orc se ravisa lâchant, un peu gêné, des excuses. Xiltyn qui avait assisté à la scène laissa échapper un sourire. Thog gloussa en essayant d’étouffer le bruit de son rire qui lui montait du fond du cœur et sourit de toutes ses dents. En d’autres circonstances, leur vue aurait suffit à intimider de téméraires guerriers. Mais ici, comme le plus souvent, son blanc sourire prenait les dimensions d’un croissant de lune dans lequel on aurait pu bercer un nourrisson. Chantonnant ses noms, il monta border la « Petite Tara ».
Dernière édition par Thog le Ven 29 Aoû - 21:21, édité 1 fois
Thog- Pas un Pédé
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Thog- Pas un Pédé
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Re: Le gros PROUT de Thog-Thog
"son blanc sourire prenait les dimensions d’un croissant de lune dans lequel on aurait pu bercer un nourrisson"
'Tain celle-ci m'a juste assassinée tellement c'est beau.
<3 <3 <3
'Tain celle-ci m'a juste assassinée tellement c'est beau.
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Xiltyn Malen- Revancharde débutante
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